Jour J bis + quelques autres…

Notre ascension vers les terres de nidification du pélican brun, but avoué de notre voyage, touche bientôt à sa fin. Dans moins de deux heures, la camionnette locale depuis laquelle j’écris cet article pénétrera les frontières sauvages du parc de Durmitor. Les yeux rivés sur l’écran de mon ordinateur, la Margherita que j’ai mangée ce midi remonte me chatouiller les amygdales au gré des virages un peu trop serrés ; il me faut cependant coucher sur papier la cohorte d’épisodes qui se bousculent dans ma tête.

Mais avant de vous parler des paysages monténégrins, laissez-moi donc reprendre notre histoire là où nous l’avions laissée à Skradin (et nettoyer mon clavier).

Encore tout affectés par la beauté enchanteresse des lieux que nous laissions derrière nous, nous optâmes pour la solution du bus, prévu à 20h : nous avions dégoté à Split une mansarde chez l’habitant en contrepartie d’un montant dérisoire de Tunas. Se faisant tard, il nous fallait trouver un moyen de transport rapide pour être certains d’arriver à temps dans la ville croate. Comme souvent depuis notre arrivée en Croatie, les informations fournies par les guichetiers furent cependant bancales : le bus n’arriva pas.

Durant notre attente, nous fîmes la connaissance d’un couple français et d’un couple suédois. Ces derniers nous racontent comment ils ont rejoint la Croatie au terme de 26 heures de trajet en voiture. Eux aussi envisagent de se rendre au Monténégro ! Ayant d’abord prévu de remonter la côte Croate vers le nord, ils nous proposent de les rejoindre et de remplir les sièges vacants de leur voiture lorsqu’ils seront redescendus à Dubrovnik (on n’a pas bien compris non plus pourquoi ils ont opté pour cette trajectoire). Bien que leur planning soit décalé de quelques jours par rapport au nôtre, on saute tout de même sur l’occasion pour noter leur numéro dans un calepin, au cas où un pépin viendrait à se présenter.

Le temps défile, les svelto pivo aussi. Une heure et demie plus tard, on vit finalement poindre au loin les phares de l’autobus ! Rémi exulte, et ses effusions de joie difficilement contenues effraient sans doute un grand nombre de passagers.

Nous abandonnâmes donc nos amis suédois, et canettâmes avec nos amis français dans le bus, tout enjaillés que nous étions par les Crazy Frog et autres Darude que nous proposa le conducteur. Le jeune couple nous mit en garde contre les oursins, terreurs des mers croates : la pauvre donzelle cherchait l’ambiance mais n’a trouvé que l’ambulance ; elle s’était frottée à un spécimen lors de sa première baignade, et son pied avait rapidement doublé de volume.

Une petite heure plus tard, la ville de Split se dévoile à nos yeux. « Clèzi town, clèzi town ! » – s’exclame un des passagers du bus à l’attention des autres voyageurs. Nous voilà prévenus : l’ambiance sera muy caliente, avec moult chicas. On dégote rapidement une sobe (on traduit pour vous : ça signifie « chambre » en croate), et on visite ensuite la ville de nuit.

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Le lendemain, suivant les dires d’une croate, nous prîmes un bus pour sortir de la ville et commencer notre stop : la périphérie s’étend sur plusieurs kilomètres, et l’on risque de perdre de nombreuses heures à traverser la cité avec nos sacs à dos et ce soleil cuisant. Nous fûmes rapidement pris par un automobiliste américain, originaire de Boston, qui nous avança de quelques kilomètres et nous déposa au bord d’une falaise. Nous y restâmes bloqués plus d’une heure sous un soleil de plombier.

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Rapidement, la déshydratation assaille nos corps déjà meurtris par la fatigue et la chaleur : il va falloir se mettre à marcher pour atteindre un endroit où l’on pourra remplir nos gourdes. Rémi fait pipi tout jaune : c’est mauvais signe !

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La marche s’avère être bien plus éreintante que prévue, et nos échines se courbent dangereusement vers le sol sous le poids de nos fourniments. Fort heureusement, un bus passant par là prend pitié de nous, et nous dépose sains et saufs dans la ville balnéaire de Makarska.

Impossible d’avancer plus ! On patauge au milieu des oursins, on s’enfile une pizza, puis on dégote enfin un camping.

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Pas le temps de pinailler, on met le cap le jour suivant pour la ville de Dubrovnik.

Dubrovnik, ou Raguse de son ancien nom français (tiré de l’italien Ragusa), est une ville et une municipalité de Croatie, capitale du Comitat de Dubrovnik-Neretva. Elle fut autrefois la capitale d’une république maritime connue sous le nom de République de Raguse. Ses habitants, ainsi que ce qui s’y rapporte, s’appellent encore des ragusains.

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Dubrovnik, qui déroule ses remparts sur la côte dalmate, au bord de la mer Adriatique, est redevenue un lieu de villégiature. L’enjeu est de taille pour le pays, qui a rejoint l’Union européenne le 1er juillet 2013, et dont le tourisme représente près d’un quart du produit intérieur brut.

Elle offre au touriste une architecture et une ambiance incroyables, directement issues du paysage médiéval.

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La municipalité a pour devise : « La liberté ne se vend pas même pour tout l’or du monde ».

(On a peut-être légèrement abusé de Wikipédia pour cette partie théorique. En revanche, on savait déjà que les dalmatiens étaient une race de chien originaires de Dalmatie en Croatie.)

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Dernier parapet dressé au travers de notre circuit, la frontière entre la Croatie et le Monténégro fait jaser les locaux : « Vous ne passerez jamais la frontière en vous déplaçant en autostop ». Nous voilà avertis : une fois de plus, nous emprunterons le bus pour nous déplacer jusqu’à Kotor.

Les agents qui travaillent à la frontière, matraque et cigarette à la main, achèvent de nous convaincre : à deux reprises, les passagers sont priés de présenter leurs passeports, et un américain ayant perdu ses documents dans la capitale se fait éjecter du bus. Il sera malheureusement obligé de rebrousser chemin jusque Zagreb, où il pourra contacter l’ambassade de son pays.

Notre situation fut nettement plus enviable, puisque nous arrivâmes sans heurts à la ville de Kotor, première escale de notre traversée du Monténégro. Nous dirigeant vers la grève, nous    aperçûmes alors quelques tentes campées dans un parc accolé au rivage : bien décidés à nous mêler à ce joyeux escadron, nous allâmes à la rencontre des membres qui le composent.

On nous explique qu’un jeune turc itinérant s’est installé là deux jours plus tôt, et que, rapidement, plusieurs autostoppeurs venant des quatre coins du globe le rejoignirent. C’est ainsi que ce parc s’est peu à peu mué en un vaste village de toile improvisé où se côtoient turcs, slovènes, monténégrins et belges. Comme vous pouvez l’imaginer, la soirée fut riche en échanges et en conversations, et sans doute nos rires emportés par les vagues frémissent-ils encore dans les eaux profondes du lagon qui veilla sur nous.

Le jour suivant fut nettement moins paisible, mais tout aussi intéressant : nous entreprîmes sous une chaleur éprouvante l’ascension des remparts de l’ancienne forteresse de Kotor. Fier témoin de l’architecture de fortification médiévale, le bastion et ses 1350 marches offrent une vue extraordinaire sur la vallée située en contrebas.

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En regardant au loin, l’on peut distinguer une route qui s’enfonce dans les montagnes, vers le nord : c’est sur cette même route, longue et sinueuse, que je termine d’écrire cette chronique.

Vidimo se.