Saviez-vous que votre genre peut influencer vos choix de mobilité partagée ?

Hackathon Draft visuals

Pas convaincu ?

Cela ne va pas vous surprendre : chez Mpact, nous militons pour que la mobilité partagée soit accessible à tout le monde. Pourtant, force est de constater qu’il existe encore de grandes inégalités de genre dans le secteur de la mobilité partagée. Les mettre en lumière aujourd’hui, c’est se donner l’opportunité de les effacer à mesure que le secteur évolue.

C’est exactement pour cette raison que nous avons lancé SMEP (Shared Mobility Equity Principles) en juillet 2023 avec le soutien du SPF Mobilité et Transports. Ce projet nous a permis de mettre au jour les écarts d’utilisation des modes de transport partagés entre les hommes et les femmes. Des étudiants de plusieurs universités belges se sont ensuite affrontés lors d’un hackathon pour proposer les meilleures solutions pour lutter contre ces inégalités.

Le projet SMEP : trois étapes clés

Phase 1 : La recherche

La première étape du projet, la plus théorique, a donné lieu à un rapport scientifique sur les inégalités de genre qui existent aujourd’hui dans la mobilité partagée en Belgique et en Europe de l’Ouest.

(Télécharger le rapport).

La conclusion du rapport est sans équivoque : le système de transport a historiquement été pensé du point de vue masculin, et néglige les besoins spécifiques des femmes.

Ça vous parait énorme ? Les femmes ont tendance à effectuer des trajets plus complexes et interconnectés que les hommes. Cela s’explique en grande partie par le fait qu’elles prennent plus souvent en charge les tâches liées à autrui et au ménage, comme conduire les enfants à l’école, rendre visite aux grands-parents ou faire les courses. Cela représente 40% de leurs trajets contre 9% pour les hommes, selon une étude menée à Madrid. Voilà où ça coince : ces types de déplacement se concentrent en périphérie ou en zones résidentielles alors que les infrastructures actuelles privilégient les déplacements vers les centres-villes.

Prenez le plan du réseau de transport en commun de la STIB à Bruxelles. Pour vous rendre du Heysel à l’hôpital UZ Bruxelles, un trajet d’environ 5 kilomètres en voiture, vous devez prendre 2 transports différents (les lignes 6 ou 83, puis la ligne 9, ou encore la ligne 62 puis 88). Pour vous rendre du Heysel au centre-ville, il suffit de prendre la ligne 6. Et pour relier deux zones périphériques, cela peut nécessiter plus de correspondances encore.

Pourquoi les besoins en déplacements des femmes sont-ils si peu pris en compte ? La réponse est à chercher dans le secteur lui-même, encore profondément masculin. Les femmes sont sous-représentées dans ce secteur, tant au niveau des pouvoirs de décision (sur 190 pays, seuls 8% des ministres sont des femmes) que du personnel du secteur (19,4% de femmes en Belgique).

L’étude met aussi en évidence l’impact du harcèlement subit par les femmes sur leur utilisation des transports en commun (et, dans une moindre mesure, des modes de mobilité partagée), ce qui influence leurs comportements. Par exemple, éviter les trajets seules la nuit, les rames vides ou au contraire bondées (où les contacts non consentis sont possibles). En France, 87 % des utilisatrices des transports publics déclarent avoir été victimes de harcèlement (commis par des hommes dans 95% des cas). Qu’en est-il en Belgique ? Nous avons posé la question aux étudiantes et étudiants qui ont participé au projet. En fonction du mode de transport, les étudiantes se sentent 2 à 8 fois plus en insécurité que leurs homologues masculins pour le même mode de transport.

Cependant, le tableau n’est pas non plus tout noir. Des solutions existent déjà, portées par des hommes et des femmes, pour diminuer l’insécurité dans les transports. C’est le cas au Canada et en Suède avec le système de « stop nocturne » qui permet aux femmes de descendre entre deux arrêts pour limiter les trajets seules.

Phase 2 : Cours interactifs

La deuxième étape du projet a pris la forme de cours interactifs, dispensés par Mpact et l’experte invitée Isobel Duxfield, dans trois universités belges (UCL Saint-Louis Bruxelles, Universiteit Hasselt, Vrije Universiteit Brussel).

Ces sessions ont permis :

  • d’échanger directement avec les étudiants sur leurs expériences ;
  • de présenter les conclusions de la recherche ;
  • de proposer des actions pour améliorer l’égalité des genres dans la mobilité partagée.

Ils ont également permis d’introduire des concepts clés pour aborder ce sujet de manière structurelle, comme celui de l’intersectionnalité. Ce concept souligne l’importance de considérer la pluralité des identités d’un individu (genre, origine, handicap, statut socio-économique, etc.) pour mieux comprendre son expérience dans le tissu urbain et la mobilité. Utiliser ce concept, c’est reconnaitre qu’en matière d’inégalités des genres, chaque femme (et homme) est affectée différemment par les systèmes de mobilité, qu’elle est marginalisée d’une manière différente et dans des circonstances différentes.

Phase 3 : Hackathon en ligne

La dernière phase du projet s’est déroulée du 29 février au 1er avril, sous la forme d’un hackathon. Pendant 23 heures, 24 étudiants issus de cinq universités belges (KULeuven, Thomas More University, Vrije Universiteit Brussel, UCL Saint-Louis Bruxelles, Université Libre de Bruxelles) ont relevé un défi : développer des stratégies pour réduire les inégalités de genre dans la mobilité partagée en Belgique.

Pendant toute la durée de l’événement, ils ont pu tirer leur inspiration de conférences données par des experts tels que Liesbeth De Bruyn (Ville de Gand), Christy Pearson (Voi), Erin Cooper (KULeuven) et Hannah Hook (UGent).

Le jury, composé de Liesbeth De Bruyn, Christy Pearson, Karsten Marhold (Mpact) et Charlotte van Vessem et Juliana Betancur Arenas (Mobilise VUB), ont évalué les propositions sur des critères de clarté, pertinence, faisabilité et innovation pour élire les 3 équipes gagnantes. Si les 4 équipes ont fourni un travail formidable en si peu de temps, l’équipe arrivée en première position a réussi à se démarquer des autres. Un chèque a été remis aux gagnants, qui ont également pu présenter leurs idées aux représentants des trois régions.

Que faire après SMEP ?

Grâce aux différentes phases de ce projet, nous avons identifié sept principes pour guider les acteurs publics et privés de la mobilité partagée dans la mise en place de politiques et de solutions de mobilité plus égalitaires :

1. Gender mainstreaming

L’égalité des genres doit être intégrée dans les politiques publiques. Comme expliqué par l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, le Gender mainstreaming est une stratégie qui vise à renforcer l’égalité des femmes et des hommes en intégrant la dimension de genre dans les politiques publiques. L’objectif est de reconnaitre et tenir compte des « éventuelles différences de situation qui existent entre hommes et femmes ». Pour ce faire, il est nécessaire de collecter des données spécifiques aux genres, et de normaliser cette pratique.

2. Promouvoir la co-création

Impliquer les utilisateurs dans tout le processus de conception de solutions de mobilité rend la tâche plus complexe mais augmente nettement les chances de réussite !

3. Encourager l’échange de connaissances

Pour mettre en place des politiques de mobilité pertinentes et efficaces, les chercheurs, experts et acteurs de terrain doivent partager leurs connaissances. La puissance de ces collaborations ne doit pas être négligée.

4. Sensibiliser le personnel et le public

Les membres du personnel des services de mobilité partagée doivent être formés pour comprendre la problématique des inégalités de genres dans le secteur. Des campagnes de sensibilisation pour le grand public sont aussi utiles pour que tout un chacun puisse réagir de manière adéquate quand il ou elle est témoin d’une situation inégalitaire (harcèlement dans les transports en commun, céder son siège à une personne âgée, aider une mère avec sa poussette, etc.).

5. Adopter une communication inclusive

Les acteurs de la mobilité ne peuvent plus se permettre d’utiliser des stratégies de « gender washing » pour aborder cette problématique. Ces réponses inefficaces doivent cesser pour opérer un véritable changement. L’utilisation d’une communication inclusive est un bon point de départ. Il existe des outils pour guider la démarche.

6. Actualiser régulièrement les politiques

Les stratégies en matière d’égalité des genres doivent être révisées au fur et à mesure que de nouvelles données émergent.

7. ODD 5 : nous ne sommes pas seuls !

La Belgique est loin d’être la seule à travailler pour une plus grande égalité des genres. Comme nous, d’autres pays des Nations Unies visent les objectifs de développement durable tels que l’ODD 5 « Parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles ». Collaborer avec ces acteurs et experts européens, partager nos connaissances et bonnes pratiques, nous permettra de progresser davantage.

Envie d’en savoir plus ou de collaborer ?

N’hésitez pas à contacter nos collègues experts chez Mpact :