Jour J + Jour J bis
Jour-J
C’est sur les routes que commence la rédaction de ce blog, dans un covoit’… depuis Paris jusqu’en Belgique ! De fait, on commence assez mal : Pierre est bloqué dans la métropole française, où il devait passer des entretiens pour être accepté à un Master, et la canicule qui sévit depuis hier a ralenti la circulation. Résultat de l’affaire : on est contraints de reporter le voyage au lendemain et Pierre se fait rosser par Rémi (un mal pour un bien puisque l’entretien s’est déroulé avec succès !). En espérant que notre périple jusqu’au Monténégro se passera mieux : un malheur n’arrive jamais deux sans trois.
Pendant que Pierre se tape 9h de trajet par 40° (Covoit, bus, train), ce faquin de Rémi boit quelques canettes au lac de Esch-Sur-Sure au Luxembourg (si vous cherchez un coin où barboter pas trop éloigné du sud de la Belgique mais tout de même un peu dépaysant, on vous le recommande !).
Jour-J bis
10h cuisantes, rendez-vous place Léopold à Arlon avec la presse pour un shooting et quelques interviews. L’objectif de notre journée, c’est de nous rendre à Nuremberg. Là-bas, on a rendez-vous avec Florian, un habitant rencontré sur Couchsurfing et qui propose de nous héberger gratuitement. On retrouve peu après Anaïs et Manon, deux amies qui nous ont gracieusement offert le lift jusque Luxembourg Ville et Trèves. Notre premier trajet se déroule parfaitement, jusqu’au moment des séparations : Manon, de nature très émotive, ne parvient pas à retenir ses larmes en nous quittant. Petit à petit, ses pupilles se mettent à perler, et les sillons laissés par le mascara qui coule de ses yeux sont semblables à ceux du paysan qui déchire la terre bientôt féconde. On se console en visitant la ville de Trèves (Trier en allemand). Avis de Rémi : « Je recommande, la ville est dépaysante, la Basilique est très rafraichissante, et les chérubins qui chantent au détour des rues m’ont beaucoup ému ». On remplit nos gourdasses au Lidl, et on commence réellement le stop sur les coups de 14h, au sortir d’un rond-point menant directement à une entrée d’autoroute.
C’est à partir de ce moment qu’on a peu à peu compris qu’on allait galérer. Une heure et une bouteille d’eau défilent, sans que personne ne s’arrête. La patience est mère des vertus. On a alors fait notre première découverte pour être plus efficace en autostop :
Premier conseil du bourlingueur: Le panneau avec la direction écrite à l’indélébile, c’est bien, mais quand les gens sont plutôt réticents à embarquer des autostoppeurs, ça peut parfois être un bon prétexte pour qu’ils vous dédaignent sous prétexte qu’ils ne se rendent pas exactement là où vous le désirez, même s’ils pourraient pourtant vous avancer d’une cinquantaine de kilomètres.
Deux personnes s’arrêtent : la première voiture ne se rendant pas à notre destination, c’est la seconde voiture qui sera la bonne : un jeune pizzaïolo/prof d’anglais allemand répondant au nom de Sœner, qui propose de nous conduire à la sortie de la bourgade de Schweich. De là, on marche une heure avec nos sacs jusqu’à une entrée d’autoroute. Et on a pu intégrer notre deuxième recommandation d’autostoppeur :
Deuxième conseil du bourlingueur: On commençait à s’en douter, on en a été persuadé le lendemain matin, et ça nous a été confirmé par des autochtones : le stop en Allemagne, c’est pas fou. Selon les dires d’un habitant, la pratique du stop est peu courante là-bas, et les gens peuvent parfois être effrayés de prendre dans leur BM des autostoppeurs (ou bien ils n’ont juste pas envie). Faut s’accrocher, on perd assez vite foi en l’humanité. Au final, c’est pas tant la place qu’on prend avec nos sacs et le nombre de personnes qui posent problème : les ¾ des voitures n’étaient occupées que par un seul chauffeur.
Après deux heures de pouce levé infructueuses et quelques crampes au métacarpe, on décide d’aller se baigner dans la Meuse. Pluie du matin n’arrête pas le pèlerin : on décide sur les conseils d’un habitant de retourner à Schweich, pour tenter le hitchike de l’autre côté de la highway. On est pris en stop sur un bon kilomètre, puis déposés à l’embouchure d’une autopista. On aimerait vous rappeler qu’à ce moment, il fait 40° depuis midi, qu’on en est à notre 6e bouteille d’eau et que nos sacs pèsent respectivement 37 et 42 kilos. Plusieurs voitures s’arrêtent (6 en 2h) : aucune ne se rend là où on le désire, mais bien à Trèves. On persévère : à vaincre sans périls, l’on triomphe sans gloire ! Pourtant, nos gosiers asséchés et notre chair lacérée par les rayons ardents de l’astre que plus rien ne semble arrêter crient à la maltraitance : il est 20h, et on est obligés de rentrer à Trèves : on est clairement dans un endroit paumé, et à ce rythme, on n’avancera jamais d’un pouce.
C’est avec une peine difficilement dissimulée qu’on retrouve le Lidl de Trèves. On réessaye le stop à l’endroit exact où on nous l’avions commencé 6h plus tôt. La vie est parfois ponctuée de rencontres fortuites et éphémères, de contingences et conjonctures qui semblent surgir de ces moments nébuleux où la nature humaine se retrouve confinée dans ses derniers retranchements : Evelynn, tu fus le phare qui éclaira notre nuit. A travers la tempête, tu as agité tes phares, et j’ai su que t’étais la bonne. Follement, tu nous as pris dans ta Benz automatique, et on a filé sur l’autoroute. Et même si au final, tu ne connaissais pas la route, tu as loupé la sortie à plusieurs reprises, et nous a déposés dans la cambrousse au milieu de nulle part et à seulement quelques kilomètres de notre point de départ parce qu’il se faisait tard, t’étais bien sympa ! A presque 11h du soir, on décide de taper la tente dans un champ de blés. Fin de notre première journée.
Troisième conseil du bourlingueur : Lors du stop sur l’autoroute, il faut éviter de sortir de la bande principale si l’on avance par petites sections : mieux vaut demander à être déposé le long d’une aire de repos ou d’une pompe à essence.